L’icône, expérience de la rencontre, par P. Philippe Dautais

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Publié le 12 décembre 2022

par P. Philippe Dautais

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L’icône, en tant qu’expression majeure de l’art chrétien, nous donne à voir ce que la parole biblique nous annonce. Ce que la parole dit, l’image nous le montre.

Les prophètes du premier testament témoignent que l’assimilation de la parole divine émerge sous forme de vision, ce qui est confirmé par l’apôtre Jean dans le récit de l’Apocalypse (Apoc 1, 11, voir aussi 10, 9 et Ezéchiel 3, 1-4). La vision est celle du monde transfiguré, imprégné de lumière divine, vision de ce qui vient vers nous, dévoilement de ce qui est. « Le beau est la splendeur du vrai » affirmait Platon. Beauté et vérité coïncident.

La vérité est transparence à la lumière originelle, transparence exprimée par cette parole de Jésus de Nazareth : « Qui m’a vu a vu le Père » (Jean 13, 9).

 Le fondement de l’icône est l’incarnation du Verbe, du Logos :

 « Et le Verbe s’est fait chair, et Il a habité parmi nous, plein de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé
sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père ».
(Jean 1, 14)

En Jésus-Christ, Dieu devient visage. Visage qui s’est donné à voir, visage ouvert à la relation, visage rayonnant de lumière dans le Souffle de l’Esprit sur le mont Thabor. Expérience de la divino-humanité. Humanité pénétrée de la présence divine.

La tradition iconographique rapporte qu’en réponse à la sollicitation du roi Abgar, Jésus imprima son visage sur un linge qui fut remis au roi Abgar pour sa guérison. Cette sainte face est nommée : « icône non faite de main d’homme », elle est à la fois le prototype de toute icône et la bénédiction implicite pour l’écriture des icônes.

Nous sommes invités à accueillir Celui qui vient vers nous et à renoncer à toute projection, représentation ou élaboration idolâtrique selon le commandement divin (Exode 20, 3-4). L’icône nous invite à mourir à l’ancien, à nos conceptions et à nos préjugés afin d’être disposés à la Nouveauté qui vient à notre rencontre. Cela est signifié dans la perspective inversée inscrite dans les icônes.

On ne regarde pas les icônes, ce sont elles qui nous regardent.

Se laisser toucher, se rendre accessible, accueillir ce qui est, Celui qui est, plutôt que de projeter sur la réalité ce que nous voudrions qu’elle soit, telle est la pédagogie de l’icône. Elle est une fenêtre ouverte sur la profondeur de la réalité, sur le Réel.

Invitation à la purification du regard, à la purification du cœur afin de s’affranchir du prisme des conditionnements du monde et des déformations. « L’œil est la lampe du corps, si ton œil est sain, tout ton corps sera éclairé » (Mat 6, 22). Éveil du regard, initiation à la contemplation, ajustement à Celui qui est, tels sont les attributs missionnaires de l’icône.

Le visage invite à la relation, à une communion des regards. Par l’icône, le Christ, Marie, la mère du Dieu-Homme, les saints s’offrent à la relation.

La vénération des icônes est faite de réponses aimantes à ces offrandes. Vivre une réciprocité d’amour par la communion des regards et des cœurs est la voie spirituelle proposée par l’icône, en totale cohérence avec les évangiles et la tradition chrétienne en particulier dans la sensibilité de l’Église orthodoxe.

Rencontre de présence à présence, prémices du Royaume de Dieu accessible dès aujourd’hui. En faire l’expérience nous plonge dans le mystère abyssal de l’inouï.

L’icône devient lieu de profonde expérience spirituelle.