La rencontre avec le Père Eugraph Kovalevsky

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Publié le 12 décembre 2022

En 1958, le « hasard » lui fait rencontrer le Père Eugraph Kovalevsky – fondateur de l’Église Orthodoxe de France – qui deviendra par la suite son maître spirituel. Elle se reconnaît dès lors dans un christianisme vivant de la tradition orthodoxe. Le « monde divin » la reprend par la main… Avec le Père Eugraph Kovalevsky, (devenu l’évêque Jean en 1964) elle entreprend des études de théologie et découvre toute la grandeur de cette Tradition dans un esprit qui n’exclut pas les autres.

Annick raconte cette rencontre dans cette interview de 2012.

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Une expérience troublante m’a amenée à rencontrer celui qui devait devenir par la suite mon maître spirituel, le père Eugraph Kovalevsky. Nous étions en 1958, et je passais quelques jours de vacances dans un petit village du Midi, à Eze. Une après-midi, j’avais l’intention de visiter l’église du village. Sur le chemin, je dépassai une galerie d’art, sans y entrer. Soudain, j’ai entendu une voix intérieure qui m’a dit qu’en n’entrant pas dans cette galerie, je passerais à côté de ma vie. Je suis donc revenue sur mes pas… Dans la galerie, deux femmes discutaient. J’ai regardé les tableaux, qui étaient de grande beauté — j’aime beaucoup la peinture -, puis je suis ressortie. J’ai cru m’être trompée… C’est alors que la responsable de la galerie m’interpella dans la rue et me reconduisit à la galerie : « Vous devriez vous rendre au 96, boulevard Auguste Blanqui, à Paris. Vous y êtes attendue » me dit-elle. Cette femme était clairaudiente… J’apprenais qu’à cette adresse, se trouvait le siège de l’Église orthodoxe de France, à laquelle cette femme n’appartenait pas du tout ! « On me dit que… » disait-elle.

 

Quelle a été votre expérience en entrant pour la première fois dans le lieu ?

C’était un dimanche, jour de la fête de la Divine Trinité. La cérémonie à laquelle j’ai assisté était d’une grande beauté. J’étais bouleversée par sa profondeur. Je sentis tout de suite que j’aurais enfin là des réponses… J’y retournais et je retrouvais, enfin là, un christianisme vivant, mais dans la tradition orthodoxe. A ma grande joie, j’ai découvert la démarche apophatique, dans laquelle je me suis reconnue. Celle-ci considère qu’on ne peut aller à Dieu que par la voie négative ; on ne peut rien dire de l’essence de Dieu, qui demeure absolu, indicible, ineffable… en même temps que si présent en nous ! Enfin je respirais ! Dieu n’était plus réduit à des concepts. Avec la maturité que j’avais acquise, je revivais mon expérience spirituelle d’enfance. Dès lors, je suis entrée dans le chemin des réponses, impliquant leur réalisation. Le monde Divin me reprenait par la main…

 

Pourriez-vous nous parler d’Eugraph Kovalevsky ? Quelle relation entreteniez-vous avec ce prêtre russe ?

Il est né à Saint Pétersbourg en 1905. Sa famille, d’origine ukrainienne, était à la fois très liée à l’Europe par goût humaniste, et à la vie culturelle, religieuse et politique de la Russie. Enfant, il a vécu des expériences spirituelles fortes qui le marquèrent pour toujours. À l’âge de quatre ou cinq ans, il raconta l’une d’elles : « J’ai vu la chambre s’emplir d’une lumière ineffable qui se condensait surtout au-dessus de moi, plus claire et en même temps plus douce que la lumière du soleil. Elle est or, pure, bleuâtre. Cette lumière, je le sais, est sa Présence. Je suis envahi, submergé par un bonheur inexprimable, et je me demande pourquoi le reste existe, pourquoi existent le temps, la vie, les joujoux, car tout est dans cette lumière qui me couvre comme une couverture sans pesanteur, et je me décide à regarder tout ce qui n’est pas Dieu avec bienveillance, sans rien demander, ayant senti la crainte de mépriser le monde. » Adolescent, épris de prière et en quête de Dieu, il décida de vivre dans un monastère. Mais, au bout de quelques jours, l’Abbé l’appela et lui dit : « Retourne chez toi, viens à l’église, sois un garçon normal, apprends les langues, les cultures, tu n’as pas besoin de nos coutumes. Il y a un pays où les toitures sont plates parce qu’il n’y a pas de neige, c’est là que tu iras. » La prédiction se réalisa à l’âge de 20 ans, il est arrivé en France, à Beaulieu-sur-Mer, près de Nice où les toits sont plats. C’était dans les années 1920, à la suite de la révolution russe d’octobre 1917. Eugraph Kovalevsky sera ordonné prêtre le 18 octobre 1937. Il consacra toute sa vie à la renaissance de l’orthodoxie en France, à la restauration de l’Église des premiers siècles en Occident, avant le schisme de 1054. C’est ainsi qu’il créa l’Église Orthodoxe de France. Mais l’Église orthodoxe de Russie a eu peur que les orthodoxes échappent à la Sainte Russie, les Grecs au Saint Patriarcat de Constantinople. Ils ont rejeté le père Eugraph et son œuvre, et il en a beaucoup souffert. Il a été sacré évêque en 1964 par l’Église russe Hors Frontières.

« Annick, l’anthropologie chrétienne n’est pas née »

J’ai suivi son enseignement jusqu’à sa mort, en 1970. Je l’ai veillé au cours de sa dernière nuit… Dans les derniers moments, je lui posais encore des questions de théologie. C’était l’époque où je commençais à écrire mon livre Le symbolisme du corps humain. J’avais besoin d’avoir son sentiment sur mes recherches, sur la justesse de ma vision et de ma pensée… Il me dit : « Annick, l’anthropologie chrétienne n’est pas née ». Cette parole eut un écho incroyable en moi !

Le père Eugraph Kovalevsky était un homme étonnant, un prophète.

À ses côtés, j’ai découvert toute la grandeur de notre Tradition dans un esprit qui n’excluait pas les autres ; la beauté du chant liturgique, des chœurs, dans lesquels nous sommes appelés à parler la langue divine. Le Père Eugraph était aussi un esthète religieux et un grand peintre d’icônes.

Petite fille, j’avais prononcé cette phrase : « On ne peut compter que sur le Père Divin ».

Avec le père Eugraph Kovalevsky, le Père Divin m’avait envoyé un Père sur le plan du monde.

Un Père en Esprit, un Père spirituel.

Découvrez le Père Eugraph dans cette vidéo datée de 1960